Le football algérien à la croisée des chemins : Un paradoxe entre succès des Fennecs et tourmente de la Ligue 1

Le football algérien vit un paradoxe. Alors que la sélection nationale, portée par la perspective d’une qualification pour la Coupe du Monde 2026, semble sur la bonne voie, elle peine à convaincre les supporters. En parallèle, le championnat national s’enfonce dans une crise structurelle, révélant des failles béantes. Cet article analyse cette dualité, explorant les récents défis de l’équipe nationale, les situations complexes de ses joueurs clés et la crise de gouvernance qui frappe la Ligue 1.

Le dilemme des Fennecs : une qualification en vue, mais un jeu qui ne séduit pas

Les éliminatoires pour le Mondial 2026 ont confirmé la position de leader de l’Algérie. Les Verts ont remporté une victoire cruciale (3-1) contre le Botswana avant de concéder un match nul (0-0) face à la Guinée . Sur le plan comptable, le bilan est excellent : l’équipe conserve la tête du Groupe G avec 19 points, soit quatre de plus que ses plus proches concurrents, l’Ouganda et le Mozambique. Les deux derniers matchs, prévus en octobre 2025 face à la Somalie et l’Ouganda, pourraient sceller une cinquième qualification historique .  

Pourtant, la déception est palpable. Le contenu du match nul contre la Guinée a été largement critiqué par les médias et les supporters. Dans ce contexte où le nombre de qualifiés pour la Coupe du Monde a été élargi à neuf équipes africaines, de nombreux observateurs considèrent la qualification comme le “strict minimum”.  

Le sélectionneur Vladimir Petkovic se retrouve au cœur d’une tourmente médiatique. Il fait face à des critiques sans précédent , accusé de ne pas avoir instauré une identité de jeu claire. Des rumeurs de “copinage” entourent les convocations de joueurs comme Riyad Mahrez ou Saïd Benrahma, perçues comme une entrave à la progression de jeunes talents prometteurs. Houssem Aouar, souvent laissé sur le banc, est l’un des exemples de ce malaise .  

En réponse, Petkovic défend sa vision de “construction” d’un groupe et de création d’une “largesse qualitative”. Il souhaite que ses joueurs soient “proactifs” et “mouillent le maillot” . Pour lui, la sélection reste ouverte à tout joueur professionnel et performant en club, afin de maintenir une concurrence saine.

Tableau 1 : Bilan des Matchs Récents et Classement des Éliminatoires de la Coupe du Monde 2026

L’instabilité des joueurs : une épine dans le pied de la sélection

L’incertitude autour de la sélection est exacerbée par la situation de plusieurs de ses cadres. Le parcours d’Ismaël Bennacer, par exemple, a été particulièrement mouvementé. Après avoir subi une blessure en septembre 2024 qui l’a rendu indisponible pour trois mois , il a été prêté à l’Olympique de Marseille en février 2025, où il a rassuré sur son état de santé . En septembre 2025, il a de nouveau été prêté avec option d’achat, cette fois au Dinamo Zagreb, une destination qui a surpris de nombreux observateurs .

Rayan Aït-Nouri a lui aussi connu des rebondissements. Après son transfert retentissant à Manchester City pour 36,8 millions d’euros en juin 2025 , une blessure à la cheville en août 2025 a semé le doute . Toutefois, le sélectionneur Petkovic a précisé que la blessure n’était pas grave et que le joueur était en phase de réintégration dans l’effectif .

Pour sa part, Ramy Bensebaini a manqué plusieurs semaines de compétition à cause d’une blessure au genou survenue en mars . S’il a repris l’entraînement en février 2025 , il a manqué la finale de la Ligue des Champions avec le Borussia Dortmund .

Enfin, la situation de deux autres joueurs fait couler beaucoup d’encre. Le retour de Riyad Mahrez en sélection a été officialisé, mais son rendement est qualifié d'”inquiétant” . Ses statistiques récentes (0 but et 3 passes décisives en 4 matchs) alimentent ces critiques . De son côté, Houssem Aouar n’a cumulé que 166 minutes en 2 matchs cette saison, luttant pour s’imposer.

La Ligue 1, une « catastrophe » annoncée

Alors que les yeux sont rivés sur l’équipe nationale, le championnat local souffre de maux profonds. Le début de la saison 2025-2026 de la Ligue 1 algérienne a été qualifié de “catastrophique” par la presse . Un incident a symbolisé ce malaise : un match entre le Paradou AC et l’USM Alger a dû se terminer “dans le noir” au stade Omar-Benrabah, obligeant la Protection civile à utiliser les phares de ses véhicules pour éclairer le terrain.

Cet événement a mis en lumière des problèmes récurrents, tels que le manque de stades adéquats dans l’Algérois et une mauvaise programmation des matchs. Les supporters sont confrontés à des difficultés de transport et de stationnement, tandis que la décision “absurde” de la Fédération de réduire de 25% le nombre de supporters dans les stades a provoqué une grande frustration.  

Malgré ce contexte difficile, des changements administratifs ont eu lieu. Le MC Oran a recruté l’entraîneur espagnol Juan Carlos Garrido , et l’USM Alger a nommé Boubekeur Abid à la tête de son conseil d’administration . La Fédération Algérienne de Football (FAF) a également organisé des formations et des ateliers pour le développement du football féminin . Ces initiatives peinent toutefois à masquer l’ampleur des défis structurels.

Tableau 2 : Classement Provisoire de la Ligue 1 Algérienne (Saison 2025/2026)

Conclusion : Le chemin vers un avenir durable

La performance de l’équipe nationale algérienne est largement le produit de sa diaspora, avec des joueurs formés en Europe, à l’image de Rayan Aït-Nouri, dont le transfert à Manchester City illustre la capacité de l’Algérie à produire des talents de classe mondiale . Cependant, le football local, censé être le réservoir de talents, est miné par des problèmes fondamentaux de gouvernance et d’infrastructures.  

Pour que le football algérien ne dépende plus uniquement de ses stars expatriées, des réformes profondes du championnat et de ses infrastructures sont indispensables. La qualification pour le Mondial 2026 sera une victoire sportive, mais le véritable triomphe résidera dans la capacité à bâtir un écosystème national solide et durable. C’est à cette seule condition que l’Algérie pourra envisager un avenir pérenne au-delà de ses succès internationaux.